Les Proches Aidants en France : Un Soutien Essentiel et Réglementé

En France, près de 11 millions de personnes soutiennent au quotidien un proche en situation de handicap, de dépendance, ou de perte d’autonomie. Ces proches aidants constituent un maillon essentiel de la solidarité familiale et sociale. Pour leur permettre d’accompagner leurs proches dans des conditions décentes, plusieurs dispositifs juridiques ont été mis en place. Parmi eux, le congé de proche aidant, institué par le Code du travail, reste un levier central, bien qu’encore perfectible dans son application. Focus sur ce dispositif méconnu, ses modalités, ses limites et les perspectives pour mieux accompagner ces aidants indispensables.
" data-medium-file="https://i0.wp.com/rh-post.fr/wp-content/uploads/2025/03/carte-de-France-proche-aidant.png?fit=300%2C231&ssl=1" data-large-file="https://i0.wp.com/rh-post.fr/wp-content/uploads/2025/03/carte-de-France-proche-aidant.png?fit=600%2C461&ssl=1" class=" wp-image-3739" src="https://rh-post.fr/wp-content/uploads/2025/03/carte-de-France-proche-aidant.png" alt="Etudes DREES" width="547" height="420" /> @drees.solidarites-sante.gouv.fr
Le congé de proche aidant : un droit ouvert à tous les salariés
Le congé de proche aidant (C. trav. art. L. 3142-16) est accessible à tout salarié, sans condition d’ancienneté. Il permet de s’occuper d’un proche présentant un handicap ou une perte d’autonomie avérée. La liste des bénéficiaires est large, incluant :
- le conjoint, concubin, ou partenaire de PACS ;
- les ascendants et descendants du salarié ;
- les enfants à charge ;
- les collatéraux jusqu’au quatrième degré ;
- les proches du conjoint/concubin/partenaire jusqu’au quatrième degré ;
- toute personne âgée ou handicapée résidant avec le salarié ou entretenant avec lui des liens étroits et stables, nécessitant une aide régulière et fréquente pour les actes du quotidien.
La personne aidée doit résider de manière stable et régulière en France (C. trav. art. L. 3142-17).
Durée, renouvellement et souplesse du congé
Par défaut, le congé est d’une durée maximale de 3 mois, renouvelable, sans pouvoir excéder 1 an sur l’ensemble de la carrière du salarié (C. trav. art. L. 3142-19 et L. 3142-27). Un accord collectif d’entreprise ou de branche peut prévoir une durée plus favorable.
Le congé peut être pris :
- de manière continue ;
- fractionné (chaque période devant durer au minimum une demi-journée – C. trav. art. L. 3142-20) ;
- ou transformé en période de travail à temps partiel avec l’accord de l’employeur (C. trav. art. L. 3142-20, L. 3142-26).
Procédure et formalités
Le salarié doit informer l’employeur au moins un mois à l’avance de son intention de prendre ce congé, sauf en cas de situation d’urgence (dégradation soudaine de l’état de santé du proche, cessation brutale d’un hébergement, etc.) où aucun délai n’est exigé (C. trav. art. L. 3142-19).
La demande doit être accompagnée de justificatifs, dont notamment (C. trav. art. D. 3142-8) :
- une déclaration sur l’honneur du lien familial ou de l’aide apportée ;
- des documents prouvant le handicap ou la perte d’autonomie du proche ;
- une attestation sur la durée des congés de proche aidant déjà pris.
Une protection juridique du salarié… mais des limites financières
Pendant la durée du congé, le salarié conserve :
ses droits à l’ancienneté et avantages acquis (C. trav. art. L. 3142-21) ;
son poste ou un emploi équivalent à son retour (C. trav. art. L. 3142-22) ;
ses droits à la formation, notamment via le compte personnel de formation (C. trav. art. L. 6323-12).
Cependant, le congé de proche aidant n’est pas rémunéré par l’employeur, sauf dispositions plus favorables.
Pour compenser cette perte de revenu, le salarié peut percevoir l’allocation journalière du proche aidant (AJPA), versée par la CAF, limitée à 66 jours sur la carrière, pouvant être étendue à 264 jours depuis le 1er janvier 2025 si le salarié soutient plusieurs proches successivement (C. séc. soc. art. L. 168-9 et D. 168-12).
Protection sociale et retraite : des avancées notables
Le salarié en congé et percevant l’AJPA est affilié automatiquement à l’assurance vieillesse via l’Assurance Vieillesse des Aidants (AVA) (C. séc. soc. art. L. 381-2). Pour les proches aidants ne percevant pas l’AJPA, l’affiliation reste possible sur demande.
Par ailleurs, des accords d’entreprise peuvent permettre la continuité du versement de cotisations à la retraite complémentaire, garantissant ainsi la protection sociale du salarié (ANI AGIRC-ARRCO du 17 novembre 2017).
Les défis persistants : précarité et reconnaissance
Malgré ce cadre juridique robuste, plusieurs limites subsistent :
Le faible montant de l’AJPA ne compense que partiellement la perte de revenu, exposant les aidants à une précarité accrue.
Le caractère non systématique de la rémunération par l’employeur crée des inégalités selon les entreprises.
Le plafond d’un an de congé sur la carrière est parfois jugé insuffisant face à des situations de dépendance durable.
La démarche administrative reste lourde et peu connue.
Vers une reconnaissance accrue des proches aidants ?
Depuis quelques années, la reconnaissance des proches aidants s’affirme dans le débat public. La création du déblocage anticipé du PEE/PEI en cas d’activité de proche aidant depuis juillet 2024 (C. trav. art. R. 3324-22, 10°) en est un signe.
Mais les associations plaident pour aller plus loin : revalorisation de l’AJPA, sécurisation du retour à l’emploi, simplification des démarches, et reconnaissance statutaire des aidants.
Le défi est double : soulager les aidants sans transférer la charge sur eux seuls.
Le congé de proche aidant représente une avancée significative dans la reconnaissance et le soutien aux aidants en France. Il offre une flexibilité précieuse aux salariés tout en garantissant la protection de leurs droits. Cependant, des défis subsistent, notamment en termes de rémunération et de conciliation avec la vie professionnelle. Des améliorations continues sont nécessaires pour mieux soutenir ces acteurs essentiels de notre société.