Travail de nuit en France : Réglementation, droits et obligations

Le travail de nuit, encadré par le Code du travail, soulève des enjeux majeurs en matière de santé, sécurité et équilibre vie professionnelle – vie privée. En 2025, avec l’évolution des secteurs d’activité et des attentes sociétales, il est essentiel pour les employeurs et les salariés de maîtriser les règles applicables : définition légale, mise en place, contreparties, durées maximales, et droits spécifiques.
Cet article propose une analyse exhaustive et actualisée des dispositions légales, des jurisprudences récentes, et des bonnes pratiques pour concilier productivité et bien-être au travail. Que vous soyez DRH, manager, salarié ou entrepreneur, vous trouverez ici les réponses à vos questions, ainsi que des conseils pour appliquer la réglementation en toute conformité.
Définition légale du travail de nuit et du travailleur de nuit
Qu’est-ce que le travail de nuit ?
Le travail de nuit est défini comme tout travail effectué pendant une période d’au moins 9 heures consécutives incluant l’intervalle entre minuit et 5 heures (Art. L. 3122-2 du Code du travail). Cette période peut être fixée par accord d’entreprise ou de branche, dans les limites suivantes :
- Début au plus tôt à 21h
- Fin au plus tard à 7h
À défaut d’accord, la période légale s’étend de 21h à 6h.
Cas particuliers :
- Secteurs de la presse, de l’audiovisuel, du cinéma et des spectacles : La période de nuit est d’au moins 7 heures consécutives incluant minuit-5h (Art. L. 3122-3).
- (ZTI) : Si le travail de nuit débute après 22h, la période est d’au moins 7 heures incluant minuit-7h (Art. L. 3122-4).
Qui est considéré comme travailleur de nuit ?
Un salarié est qualifié de travailleur de nuit s’il remplit l’une des deux conditions suivantes (Art. L. 3122-5) :
- Au moins 2 fois par semaine, selon son horaire habituel, il effectue au moins 3 heures de travail entre 21h et 6h.
- Sur une période de 12 mois consécutifs, il cumule au moins 270 heures de travail de nuit (en l’absence d’ fixant un seuil différent).
Un salarié travaillant de 22h à 6h, 3 fois par semaine, est un travailleur de nuit. Un salarié travaillant une seule heure entre 21h et 22h chaque soir ne l’est pas (Cass. soc., 20 décembre 2017, n° 16-19.512).
Mise en place du travail de nuit : Conditions et procédures
Un recours exceptionnel et justifié
Le travail de nuit ne peut pas être la norme dans une entreprise. Il doit être :
- Exceptionnel
- Justifié par la nécessité d’assurer la continuité de l’activité économique ou des services d’utilité sociale (Art. L. 3122-1).
Exemples de justifications valables :
- Production en continu (usines, centres d’appels)
- Services essentiels (hôpitaux, sécurité)
- Activités saisonnières ou touristiques (hôtellerie, restauration en ZTI)
Exemple de refus : Un commerce de parfumerie ne peut pas imposer le travail de nuit si l’activité ne justifie pas une continuité économique indispensable (Cass. soc., 24 septembre 2014, n° 13-24.851).
Procédures de mise en place
Par accord collectif (prioritaire)
La mise en place du travail de nuit nécessite un accord d’entreprise ou de branche, qui doit préciser :
- La justification du recours au travail de nuit
- La définition de la période de nuit
- Les contreparties (, compensation salariale)
- Les mesures pour améliorer les conditions de travail (transports, formation, égalité professionnelle)
- L’organisation des temps de pause
À défaut d’accord majoritaire, l’employeur peut organiser un référendum si les syndicats représentent plus de 30 % des voix aux dernières élections du CSE.
Par (en l’absence d’accord)
Si aucun accord n’est conclu, l’employeur peut demander une autorisation à l’inspection du travail, sous réserve d’avoir :
- Engagé des négociations loyales et sérieuses (convocation des syndicats, transmission d’informations)
- Prévu des contreparties et des temps de pause
- Consulté le CSE et les délégués syndicaux
Délai de réponse : L’inspection du travail a 30 jours pour répondre. Son silence vaut acceptation.
Consultation obligatoire du CSE et du médecin du travail
- Le CSE doit être consulté avant toute mise en place ou modification du travail de nuit (Art. L. 2312-8).
- Le médecin du travail doit être consulté pour évaluer les risques pour la santé des salariés (Art. L. 3122-10).
Sanction en cas de non-respect : Le défaut de consultation peut entraîner la suspension du projet ou des dommages et intérêts pour les représentants du personnel (Cass. soc., 8 novembre 2017, n° 16-15.584).
Contreparties obligatoires pour les travailleurs de nuit
Repos compensateur : Une obligation absolue
Tout travailleur de nuit a droit à un repos compensateur, qui ne peut être remplacé par une compensation financière seule (Cass. soc., 26 octobre 2010, n° 08-70.468).
Compensation salariale : Facultative mais fréquente
La majoration salariale n’est pas obligatoire, sauf si elle est prévue par :
- Une convention collective
- Un accord d’entreprise
Exemple de jurisprudence : Si une convention collective prévoit une majoration uniquement entre 22h et 5h, les heures travaillées entre 21h-22h et 5h-6h ne donnent pas droit à cette majoration (Cass. soc., 20 mars 2007, n° 05-44.602).
Autres mesures obligatoires
Les accords collectifs doivent prévoir :
- Des améliorations des conditions de travail (locaux de repos, équipements)
- Des facilités pour concilier vie professionnelle et familiale (transports, garde d’enfants)
- Des actions pour l’égalité professionnelle (accès à la formation pour les femmes)
Durées maximales du travail de nuit
Durée quotidienne : 8 heures (sauf dérogations)
La durée quotidienne maximale est de 8 heures, mais des dérogations sont possibles :
- Par accord collectif pour certains secteurs (ex : garde, surveillance, continuité de service)
- Sur autorisation de l’inspection du travail en cas de circonstances exceptionnelles (accidents, urgences)
Contrepartie en cas de dépassement : Un repos équivalent doit être accordé dans les plus brefs délais.
Durée hebdomadaire : 40 heures sur 12 semaines
La durée moyenne ne doit pas dépasser 40 heures par semaine sur 12 semaines consécutives. Une extension à 44 heures est possible :
- Par accord collectif si l’activité le justifie
- Par décret pour certains secteurs
Droits spécifiques des travailleurs de nuit
Surveillance médicale renforcée
Les travailleurs de nuit bénéficient d’un , avec :
- Un protocole établi par le médecin du travail (renouvelé tous les 3 ans)
- Des informations sur les risques pour la santé (notamment pour les et les seniors)
Droit au : Si le médecin du travail constate que l’état de santé du salarié est incompatible avec le travail de nuit, l’employeur doit le transférer sur un poste de jour, sous peine de nullité du licenciement (Art. L. 3122-14).
Protection des femmes enceintes
Une salariée enceinte travaillant de nuit a droit à :
- Un transfert sur un poste de jour pendant sa grossesse et jusqu’à 1 mois après l’accouchement
- Une garantie de rémunération si aucun poste de jour n’est disponible
Exemple : Si l’employeur ne peut pas proposer de poste de jour, le contrat est suspendu avec maintien de salaire (allocation journalière + complément employeur).
Priorité pour un emploi de jour
Les travailleurs de nuit ont priorité pour occuper un poste de jour dans leur entreprise, et inversement (Art. L. 3122-13).
Cas particulier : En zone touristique internationale (ZTI), les salariés peuvent refuser de travailler entre 21h et minuit sans sanction.
Travail de nuit des : Interdictions et dérogations
Interdiction de principe
Le travail de nuit est interdit pour les jeunes de moins de 18 ans :
- 16-18 ans : Interdiction entre 22h et 6h
- Moins de 16 ans : Interdiction entre 20h et 6h
Dérogations possibles
Des dérogations peuvent être accordées par l’inspection du travail pour :
- Les secteurs de l’hôtellerie, la restauration, la boulangerie
- Les activités artistiques (cinéma, théâtre, télévision)
- Les courses hippiques
Conditions :
- Durée limitée à 1 an (renouvelable une fois)
- Repos compensateur de 12h (16-18 ans) ou 14h (moins de 16 ans)
Preuve du paiement des
Obligation de preuve pour l’employeur
En cas de litige, l’employeur doit prouver qu’il a bien versé les majorations pour travail de nuit. La simple mention sur le bulletin de paie ne suffit pas (Cass. soc., 2 avril 2025, n° 23-23.724).
Exemple : Un salarié réclamant des rappels de salaire pour heures de nuit peut obtenir gain de cause si l’employeur ne produit pas de preuves comptables (relevés bancaires, fiches de paie détaillées).
Le travail de nuit, bien qu’encadré strictement par la loi, reste un levier stratégique pour certaines entreprises. Pour les employeurs, il est crucial de respecter les procédures de mise en place, les contreparties obligatoires et les droits des salariés pour éviter les contentieux. Pour les travailleurs, connaître ses droits permet de préserver sa santé et son équilibre de vie.
- Employeurs : Auditez vos accords collectifs et consultez votre CSE avant toute modification.
- Salariés : Vérifiez vos bulletins de paie et exigez vos contreparties (repos, majorations).
- Jeunes travailleurs : Connaissez vos droits et les dérogations possibles dans votre secteur.







