Le droit de grève : Guide complet pour salariés et employeurs

Grève
Publié par:
Naomi AGBOZO
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En France, le , garanti par la Constitution. Il permet aux salariés de défendre leurs intérêts collectifs et de revendiquer des améliorations dans leurs conditions de travail. Cependant, son exercice est encadré par des règles strictes pour éviter les abus et garantir un équilibre entre les droits des salariés et les obligations des employeurs.

En 2025, dans un contexte économique et social en constante évolution, il est essentiel de comprendre les contours de ce droit, ses conditions d’exercice, ses conséquences, et les protections qu’il offre. Que vous soyez salarié, employeur, représentant du personnel ou simplement intéressé par les dynamiques du monde du travail, ce guide complet vous éclairera sur les aspects juridiques, pratiques et stratégiques du droit de grève.

Qu’est-ce que le droit de grève ?

Définition et fondements juridiques

Le droit de grève est défini comme la cessation collective et concertée du travail par les salariés, en vue d’appuyer des revendications professionnelles. Ce droit est reconnu par le préambule de la Constitution de 1946 et protégé par le Code du travail. Il s’agit d’un droit individuel, mais qui doit s’exercer de manière collective pour être valable.

Conditions pour qu’un arrêt de travail soit qualifié de grève :

  • Cessation totale du travail : L’arrêt doit être complet. Les ralentissements d’activité ou les exécutions défectueuses du travail (comme la « grève perlée » ou la « grève du zèle« ) ne sont pas considérés comme des grèves licites.
  • Concertation des salariés : La grève doit être le résultat d’une décision commune. Les mouvements spontanés sont licites s’ils traduisent une volonté collective.
  • Revendications professionnelles : Les revendications doivent être liées à des enjeux professionnels (salaire, conditions de travail, emploi, droits syndicaux, etc.). Les revendications purement politiques ou personnelles ne justifient pas une grève.
  • Information de l’employeur : Les revendications doivent être portées à la connaissance de l’employeur, au plus tard au moment de l’arrêt de travail.

Conditions pour une grève licite

1. Un arrêt de travail collectif et total

Cessation totale du travail

Pour qu’un arrêt de travail soit qualifié de grève, il doit être total. Cela signifie que les salariés doivent cesser entièrement leur activité. Les actions comme le ralentissement de la production, la « grève perlée » (travail au ralenti), ou la « grève du zèle » (exécution excessivement rigoureuse des tâches) ne sont pas considérées comme des grèves licites. Ces comportements peuvent être sanctionnés par l’employeur comme des manquements aux obligations contractuelles.

Exemple : Un mouvement qui consiste à bloquer l’accès aux sites de l’entreprise ou à détériorer du matériel ne constitue pas une grève, mais une inexécution fautive du contrat de travail (Cass. soc., 26 janvier 2000, n° 97-15291).

Cessation collective et concertée

Le droit de grève est un droit individuel, mais il doit s’exercer collectivement. Cela signifie qu’au moins deux salariés doivent participer au mouvement. Cependant, dans les entreprises où un seul salarié est présent, ce dernier peut exercer son droit de grève s’il obéit à un mot d’ordre national ou s’il est le seul salarié de l’entreprise (Cass. soc., 13 novembre 1996, n° 93-42247).

Cas particulier : Un salarié peut également être considéré comme gréviste s’il se joint à un mouvement national, même s’il est le seul dans son entreprise à participer (Cass. soc., 29 mai 1979, n° 78-40553).

2. Des revendications professionnelles

Pour qu’une grève soit licite, elle doit avoir pour objet de soutenir des revendications professionnelles. Ces revendications peuvent concerner :

  • Les salaires : Augmentations, primes, classifications salariales.
  • Les conditions de travail : Horaires, sécurité, environnement de travail.
  • La protection de l’emploi : Opposition à des licenciements collectifs, restructurations.
  • L’exercice des droits syndicaux : Reconnaissance des syndicats, élections des représentants du personnel.
  • La grève de solidarité : Soutien à des collègues d’une autre entreprise ou service, à condition que les revendications soient professionnelles et collectives.

Exemple : Une grève pour protester contre un retard de paiement des salaires est licite si ce retard est dû à une décision délibérée de l’employeur. En revanche, si le retard est causé par des difficultés économiques (comme une liquidation judiciaire), la grève peut être jugée illicite (Cass. soc., 14 octobre 2020, n° 18-24765).

3. Information préalable de l’employeur

Les salariés ou leurs représentants (syndicats) doivent informer l’employeur des revendications professionnelles avant ou au moment de l’arrêt de travail. Cette information peut être transmise directement ou par l’intermédiaire de l’inspecteur du travail. Aucun délai de prévenance n’est imposé, sauf dans certains secteurs spécifiques (comme les transports).

Attention : L’absence de préavis ne rend pas la grève illicite, sauf dans les secteurs où le préavis est obligatoire (comme les services publics).

Les différents types de grèves

1. Grève de solidarité

La grève de solidarité consiste à cesser le travail pour soutenir des collègues, que ce soit dans la même entreprise ou dans une autre. Pour être licite, elle doit avoir pour but de défendre des intérêts professionnels collectifs.

Exemples de grèves de solidarité licites :

  • Soutien à des salariés menacés de sanctions disciplinaires.
  • Protestation contre un projet de licenciement économique.

Exemple de grève de solidarité illicite : Une grève pour soutenir un salarié licencié pour des raisons personnelles (non professionnelles) n’est pas licite (Cass. soc., 18 mars 1982, n° 80-40576).

2. Grève politique

Une grève est considérée comme politique lorsqu’elle vise à contester une décision des pouvoirs publics ou à affirmer une position politique. En principe, les grèves politiques sont illicites, sauf si elles s’inscrivent dans un mouvement national de mobilisation contre un projet gouvernemental ayant un impact direct sur l’emploi ou les conditions de travail (Cass. soc., 15 février 2006, n° 04-45738).

3. Grève surprise et grèves tournantes

Les grèves surprises (sans préavis) et les grèves tournantes (arrêts successifs dans différents services) sont licites tant qu’elles ne désorganisent pas l’entreprise de manière excessive. Si ces mouvements entraînent une désorganisation totale de l’entreprise, ils peuvent être considérés comme abusifs (Cass. soc., 4 novembre 1992, n° 90-41899).

Préavis de grève : quand est-il obligatoire ?

Secteur privé

Dans le secteur privé, aucun préavis n’est obligatoire pour déclencher une grève. Les salariés peuvent cesser le travail à tout moment, à condition de respecter les autres conditions de licéité (Cass. soc., 26 février 1981, n° 79-41359).

Secteurs spécifiques

Dans certains secteurs, comme les services publics ou les transports, un préavis de grève est obligatoire :

  • Transports terrestres : Le préavis doit être déposé après une phase de négociation préalable.
  • Transport aérien : Les salariés doivent informer l’employeur de leur participation à la grève 48 heures à l’avance.
  • Fonction publique : Un préavis de 5 jours est généralement requis.

Exemple : Dans une entreprise de transport ferroviaire, si un syndicat ne respecte pas l’obligation de négociation préalable, le préavis est irrégulier, et la grève peut être déclarée illicite (Cass. soc., 30 janvier 2013, n° 11-23791).

Conséquences de la grève sur le contrat de travail

1. Suspension du contrat de travail

La grève suspend le contrat de travail des salariés participants. Cela signifie que :

  • Les obligations réciproques sont suspendues : L’employeur n’a pas à payer les salariés grévistes, et les salariés ne sont pas tenus d’effectuer leur travail.
  • Le contrat n’est pas rompu : Le salarié reste lié à son employeur et ne peut pas travailler pour un autre employeur pendant la grève.

Attention : Si un salarié exécute son travail de manière défectueuse pendant la grève, il perd le bénéfice de la protection liée à la grève et peut être sanctionné.

2. Conséquences sur la rémunération

Rémunération des grévistes

L’employeur n’est pas tenu de rémunérer les salariés grévistes pendant la durée de la grève. La retenue sur salaire doit être proportionnelle à la durée de l’arrêt de travail.

Exemple : Si un salarié participe à une grève d’une journée, l’employeur peut retenir 1/30e de son salaire mensuel (Cass. soc., 16 juin 1999, n° 98-43696).

Exceptions :

  • Si la grève est causée par un manquement grave et délibéré de l’employeur (ex. : non-paiement des salaires sans justification), l’employeur peut être condamné à payer les salaires des grévistes (Cass. soc., 3 mai 2007, n° 05-44776).
  • Si un accord de fin de grève prévoit le paiement des jours de grève, l’employeur doit respecter cet accord.

Rémunération des non-grévistes

Les salariés qui ne participent pas à la grève doivent être rémunérés normalement, à condition qu’ils soient en mesure de travailler. L’employeur ne peut pas réduire leur salaire sous prétexte que la production est ralentie.

Exception : Si l’employeur prouve qu’il est dans l’impossibilité absolue de fournir du travail (ex. : fermeture de l’entreprise pour raisons de sécurité), il peut suspendre le paiement des salaires (Cass. soc., 7 février 1990, n° 87-43566).

3. Conséquences sur les congés payés et les jours fériés

  • Congés payés : Les périodes de grève ne sont pas comptabilisées comme du temps de travail effectif pour le calcul des congés payés, sauf accord contraire.
  • Jours fériés : Si un jour férié tombe pendant une grève, le salarié gréviste n’a pas droit au paiement de ce jour (Cass. soc., 5 février 2002, n° 99-43898).
  • Journée de solidarité : Si un salarié fait grève le jour de la journée de solidarité, l’employeur peut effectuer une retenue sur salaire proportionnelle aux heures non travaillées.

4. Conséquences sur les primes et avantages

Les primes (d’ancienneté, d’assiduité, de participation) peuvent être réduites ou supprimées si elles sont conditionnées à la présence du salarié. Cependant, cette réduction doit s’appliquer de manière égale à toutes les absences (maladie, congés, etc.), sauf si la convention collective prévoit une exception.

Exemple : Une prime d’assiduité ne peut pas être réduite pour une absence due à la grève si elle n’est pas réduite pour une absence due à la maladie (Cass. soc., 23 juin 2009, n° 07-42677).

Protection des salariés grévistes

1. Interdiction des sanctions et discriminations

Aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou discriminé en raison de sa participation à une grève licite. Toute mesure disciplinaire ou discriminatoire est nulle de plein droit (Code du travail, art. L. 2511-1).

Exemples de discriminations interdites :

  • Retarder une augmentation de salaire liée à l’ancienneté.
  • Exclure un salarié gréviste d’une formation ou d’une promotion.

2. Licenciement pour faute lourde : la seule exception

Le licenciement d’un salarié gréviste n’est possible qu’en cas de faute lourde, c’est-à-dire un comportement d’une gravité exceptionnelle révélant une intention de nuire à l’employeur ou à l’entreprise.

Exemples de fautes lourdes :

  • Séquestration de dirigeants ou de collègues.
  • Violences physiques ou dégâts matériels importants.
  • Blocage illégal des accès à l’entreprise, empêchant les non-grévistes de travailler.

Un salarié qui participe à la séquestration d’un directeur pendant une grève commet une faute lourde justifiant un licenciement (Cass. soc., 2 juillet 2014, n° 13-12562).

Attention : La simple distribution de tracts ou l’incitation à la grève ne constitue pas une faute lourde, sauf si elle s’accompagne de menaces ou de violences (Cass. soc., 1er juin 2023, n° 22-13304).

3. Protection des représentants du personnel

Les représentants du personnel (délégués syndicaux, membres du CSE) bénéficient d’une protection renforcée. Leur licenciement pour faits liés à la grève est soumis à autorisation de l’inspection du travail.

Exemple : Un délégué syndical qui organise un piquet de grève ne peut être licencié sans l’accord de l’inspecteur du travail, sauf en cas de faute lourde avérée (Cass. soc., 30 juin 1993, n° 91-44824).

Remplacement des grévistes : ce que dit la loi

1. Interdiction du recours aux CDD et intérimaires

Il est strictement interdit d’embaucher des salariés en CDD ou en intérim pour remplacer des grévistes (Code du travail, art. L. 1242-6 et L. 1251-10).

Sanctions : L’employeur qui contourne cette interdiction s’expose à des sanctions pénales (amendes et peines d’emprisonnement).

2. Recours aux non-grévistes et sous-traitance

L’employeur peut :

  • Affecter les non-grévistes à des postes vacants, si ils ont les compétences requises.
  • Faire appel à la sous-traitance pour maintenir une partie de l’activité.
  • Demander des heures supplémentaires aux salariés non grévistes.

Exemple : Une entreprise peut confier à des salariés non grévistes des tâches supplémentaires pour compenser l’absence des grévistes, à condition de respecter les règles sur le temps de travail (Cass. soc., 15 février 1979, n° 76-14527).

Fin de la grève : reprise du travail et accords

1. Reprise du travail

La grève prend fin lorsque :

  • Les salariés reprennent le travail.
  • L’employeur rouvre les locaux et permet la reprise d’activité.

Attention : Un salarié ne peut pas poursuivre seul une grève après la reprise collective. Cela serait considéré comme une inexécution fautive du contrat de travail (CA de Versailles, 19 mai 1987).

2. Accords de fin de grève

Les conflits collectifs se règlent souvent par des accords de fin de grève, qui peuvent prévoir :

  • Le paiement partiel ou total des jours de grève.
  • L’abandon des sanctions disciplinaires.
  • Des engagements de l’employeur (augmentations, améliorations des conditions de travail).

Nature juridique : Ces accords peuvent être considérés comme des transactions (Code civil, art. 2044) et lient les parties.

Exemple : Un pour les jours non travaillés, même si la loi n’y oblige pas l’employeur (Cass. soc., 2 décembre 1992, n° 90-45186).

Recours en cas de conflit : conciliation, médiation, arbitrage

1. Conciliation

La conciliation est une procédure visant à résoudre un conflit collectif par la négociation, avant ou pendant une grève. Elle peut être :

  • Conventionnelle : Prévue par une convention collective.
  • Légale : Devant une commission régionale ou nationale de conciliation.

Exemple : Si un conflit persiste après une grève, les parties peuvent saisir une commission de conciliation pour trouver un terrain d’entente (Code du travail, art. L. 2522-1).

2. Médiation

Si la conciliation échoue, les parties peuvent recourir à un médiateur, nommé par le ministre du Travail ou les parties elles-mêmes. Le médiateur propose des solutions, mais ses recommandations ne sont pas contraignantes.

3. Arbitrage

L’arbitrage consiste à soumettre le litige à un tiers (l’arbitre), dont la décision (sentence arbitrale) s’impose aux parties. Cette procédure est souvent prévue par les conventions collectives.

Exemple : Dans certains secteurs, comme les transports, l’arbitrage est utilisé pour trancher les désaccords persistants après une grève (Code du travail, art. L. 2524-1).

Responsabilité des acteurs en cas d’abus

1. Responsabilité des grévistes

Les salariés grévistes peuvent engager leur responsabilité civile s’ils commettent des actes illicites (violences, dégradations, séquestrations). L’employeur peut demander réparation du préjudice subi, à condition de prouver le lien entre les actes et le préjudice.

Exemple : Des salariés qui bloquent l’accès à une entreprise et empêchent les non-grévistes de travailler engagent leur responsabilité et peuvent être condamnés à des dommages-intérêts (Cass. soc., 15 mai 2001, n° 00-42200).

2. Responsabilité des syndicats

Les syndicats peuvent être tenus pour responsables si ils incitent explicitement à des actes illicites (blocages, violences, dégradations). Leur responsabilité civile peut être engagée si un lien direct est établi entre leurs instructions et les préjudices subis.

Exemple : Un syndicat qui organise un piquet de grève bloquant tous les accès à une entreprise peut être condamné pour entrave à la liberté du travail (Cass. soc., 30 janvier 1991, n° 89-17332).

Le droit de grève est un droit fondamental en France, mais son exercice est strictement encadré pour garantir un équilibre entre les intérêts des salariés et ceux des employeurs. En 2025, il est crucial pour les salariés de connaître leurs droits et leurs limites, et pour les employeurs de respecter les procédures légales pour éviter des contentieux coûteux.

Points clés à retenir :

  • Une grève est licite si elle est collective, totale, concertée et motivée par des revendications professionnelles.
  • Les salariés grévistes bénéficient d’une protection contre les sanctions, sauf en cas de faute lourde.
  • L’employeur ne peut pas remplacer les grévistes par des CDD ou des intérimaires.
  • La fin d’une grève passe souvent par un accord négocié, qui peut prévoir des compensations pour les salariés.
  • En cas de désaccord persistant, des procédures de conciliation, médiation ou arbitrage peuvent être engagées.

Si vous êtes salarié et envisagez de participer à une grève, informez-vous auprès de vos représentants syndicaux. Si vous êtes employeur, consultez un expert en droit du travail pour adapter votre réponse à un mouvement social. Dans tous les cas, privilégiez le dialogue pour résoudre les conflits et éviter les contentieux.