Licenciement pour inaptitude : procédure, droits et pièges à éviter

Publié par:
Naomi AGBOZO
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Un salarié est déclaré inapte par le médecin du travail. Que faire ? Licencier n’est pas une option automatique. La procédure est strictement encadrée, et les risques juridiques pour l’employeur sont réels : nullité du licenciement, indemnités majorées, voire sanctions pénales.

Comment bien gérer cette situation ? Quelles sont les étapes clés ? Quels sont les droits du salarié selon l’origine de l’inaptitude (professionnelle ou non) ? Et quelles indemnités sont dues ?

Cet article vous guide pas à pas, avec des exemples concrets, des modèles de lettres, et les dernières évolutions jurisprudentielles (2025).

1. Qu’est-ce qu’un licenciement pour inaptitude ?

1.1. Définition et cadre légal

Le licenciement pour inaptitude intervient lorsque :

  • Le médecin du travail déclare le salarié inapte à son poste (physiquement ou mentalement).
  • Aucun reclassement n’est possible dans l’entreprise (ou le groupe).
  • Le salarié refuse les postes proposés (sous conditions).

Base légale : Code du travail, articles L. 1226-2-1 et L. 1226-12.

À noter : Ce licenciement n’est pas une sanction et ouvre droit à des indemnités spécifiques.

1.2. Origine de l’inaptitude : professionnelle ou non ?

 

Inaptitude non professionnelleInaptitude professionnelle
Maladie ou accident hors travailMaladie ou accident lié au travail (AT/MP)
Indemnité de licenciement classiqueIndemnité doublée
Pas d’indemnité compensatrice de préavisPréavis payé même s’il n’est pas exécuté

2. Procédure pas à pas : de l’avis d’inaptitude au licenciement

2.1. Étape 1 : L’avis d’inaptitude du médecin du travail

À savoir : Le médecin ne transmet pas les détails médicaux à l’employeur, seulement les restrictions (ex. : « pas de port de charges lourdes »).

2.2. Étape 2 : La recherche de reclassement

Obligation légale : L’employeur doit chercher un reclassement, sauf dispense du médecin.

Comment procéder ?

  • Proposer des postes adaptés (même catégorie ou inférieure, avec accord du salarié).
  • Consulter le CSE (Comité Social et Économique) avant toute proposition.
  • Étendre la recherche au groupe si l’entreprise en fait partie.

Exemple de poste adapté :

« Un salarié inapte à son poste de manutentionnaire peut être reclassé en tant qu’agent administratif, avec une formation complémentaire. »

Refus du salarié :

  • Le salarié peut refuser, mais sans motif légitime, cela peut être considéré comme abusif (Cass. soc., 7 mai 1996, n° 92-42572).
  • Conséquence : Perte des indemnités spéciales (pour inaptitude professionnelle).

2.3. Étape 3 : Convocation à l’entretien préalable

Si le reclassement est impossible, l’employeur engage la procédure de licenciement :

  1. Convocation écrite (LRAR ou remise en main propre) 5 jours ouvrables avant l’entretien.
  2. Entretien préalable :
    • Exposer les raisons du licenciement (inaptitude + impossibilité de reclassement).
    • Écouter les explications du salarié.

Modèle convocation à un entretien préalable au licenciement :

entretien_prealable_au_licenciement_personnel

Erreur à éviter : ❌ Convoquer le salarié le jour même de l’avis d’inaptitude (Cass. soc., 4 novembre 2015, n° 14-11879).

2.4. Étape 4 : Notification du licenciement

Délai : 2 jours minimum après l’entretien préalable. Forme : Lettre recommandée avec AR (modèle ci-dessous).

Contenu obligatoire :

  • Motif précis : « Inaptitude constatée le [date] + impossibilité de reclassement. »
  • Détail des recherches de reclassement (postes proposés, consultations du CSE).
  • Indemnités dues (selon l’origine de l’inaptitude).

Modèle de lettre de licenciement pour inaptitude :

lettre-de-licenciement-pour-inaptitude.docx

3. Droits du salarié et indemnités

3.1. Indemnités selon l’origine de l’inaptitude

Type d’inaptitudeIndemnité de licenciementIndemnité compensatrice de préavisAutres sommes
Non professionnelleLégale ou conventionnelleNon dueCongés payés, RTT, CET
ProfessionnelleDouble de l’indemnité légaleOui (montant = préavis légal)Congés payés, RTT, CET

3.2. Cas particuliers : refus de reclassement et faute inexcusable

  • Refus abusif du salarié :

  • :

    • Si l’inaptitude est due à un manquement de l’employeur (ex. : non-respect des règles de sécurité), le salarié peut obtenir une indemnité supplémentaire (minimum 6 mois de salaire).
    • Cumul possible avec l’indemnité spéciale (Cass. soc., 17 mai 2006, n° 04-47455).

4. Pièges à éviter pour l’employeur

  • Oublier la consultation du CSE : Consulter le CSE par écrit avant toute proposition de reclassement ou licenciement

  • Négliger la recherche de reclassement : Licenciement sans cause réelle et sérieuse → indemnités prud’homales majorées.

  • Confondre inaptitude et motif disciplinaire : Licencier pour absentéisme ou baisse de performance si l’inaptitude est reconnue.

  • Ne pas respecter les délais : 

    • Entre l’entretien préalable et la notification : 2 jours minimum.
    • Entre l’avis d’inaptitude et le licenciement : Max. 1 mois, sinon reprise du salaire (Cass. soc., 10 mai 2021, n° 19-11854).

5. Contentieux et recours

5.1. Contestations fréquentes devant les prud’hommes

Les salariés contestent souvent :

  • L’absence de recherche sérieuse de reclassement.
  • L’origine professionnelle de l’inaptitude (pour obtenir les indemnités doublées).

Exemple de jurisprudence :

« Un salarié licencié pour inaptitude non professionnelle a obtenu gain de cause : l’employeur n’avait pas consulté le CSE. » (Cass. soc., 28 mars 2007, n° 06-41088).

5.2. Preuve de l’origine professionnelle

Le salarié doit prouver :

  1. Le lien entre sa maladie/accident et le travail.
  2. Que l’employeur connaissait ce lien au moment du licenciement.

Exemple :

« Un salarié a prouvé son inaptitude professionnelle grâce à un certificat médical et des témoignages sur ses conditions de travail. » (Cass. soc., 10 septembre 2025, n° 23-19841).

6. Licenciement d’un salarié protégé : Procédure renforcée

Pour un élu du CSE ou un représentant syndical :

  1. Entretien préalable (comme pour tout salarié).
  2. Consultation du CSE (obligatoire).
  3. Demande d’autorisation à l’inspection du travail.

Risque : Nullité du licenciement si l’autorisation n’est pas obtenue.

Vous gérez un cas d’inaptitude ? Consultez notre checklist pour éviter les erreurs !